Wildfell Hall

Ciel ! Aucun article en 2022 ! Il est temps de remédier à cela et de souffler un peu sur la poussière qui s’accumule.

Avant toute chose, si beaucoup se sont plaint de 2020, pour ma part 2022 est une année qui est passée très vite et qui a connu des hauts et des bas. Pas une année marrante, notamment à cause de la sensation de perdre pieds avec tout ce qui m’entoure et de ne pouvoir se raccrocher à rien. Toutefois, j’essaie de savourer cette fin d’année qui approche car s’il y a encore pas mal de choses à terminer avant de clôturer, je commence à me sentir allégé d’un certain poids en espérant pouvoir enfin me reposer.

Dernièrement, j’ai eu une envie soudaine de period drama, comme cela arrive parfois. Cette envie se fait à la suite de lecture de classiques. Il y a bien longtemps que je n’avais pas réussi à lire et je savoure cette petite victoire car je ne sais pas jusqu’à quand cela va durer.

Bref. Tout a commencé lorsqu’en allant chez un bouquiniste, une série de livres a attiré mon attention. Trois œuvres des sœurs Brontë. Cela m’a immédiatement renvoyé à mon adolescence en train de lire Jane Eyre alors que je venais de commencer à me mettre à l’anglais mais aussi à mes études où l’on décortiquait Les hauts de Hurlevent. Cela m’a également rappelé les adaptations séries et cinémas que j’avais pu voir de ces ouvrages. Une en particulier dont je n’avais pas encore lu le roman : La châtelaine de Wildfell Hall (aussi traduit sous le titre de La locataire de Wildfell Hall, La dame de Wildfell Hall, La recluse de Wildfell Hall, etc.). La version que j’ai lu date des années 90 et j’ai de gros doute quand à la qualité de la traduction car si certains passages ne sont pas clairs, il y aussi beaucoup de lourdeurs dans la manière dont s’exprime les personnages qui gêne parfois la lecture. Néanmoins, j’ai pu aller au bout de ma lecture -le roman n’est pas très long-. Pour les personnes ne l’ayant pas lu, le roman est composé de 3 parties : La première évoque l’arrivée de cette veuve mystérieuse à Wildfell Hall, Helen Graham, la seconde est le journal intime d’Helen qui décrit les événements qui l’ont amené à Wildfell Hall et enfin la dernière partie qui revient au présent et conclue l’histoire des différents personnages.

Le personnage de Gilbert m’a vraiment tapé sur les nerfs

Si j’ai passé un bon moment de lecture, le livre ne restera pas parmi mes préférés, notamment à cause de ses personnages. Je n’ai pas apprécié Gilbert, le personnage masculin principal et narrateur de l’histoire (puisque tout ceci n’est qu’une grande lettre qu’il écrit à un de ses amis des années après la fin de l’histoire). Je trouve Gilbert impulsif, alors certes il est présenté comme jeune mais cela ne pardonne pas tout. A un moment du récit, il s’en prend à un autre personnage par pur jalousie et le frappe à coup de cravache avant de le laisser blessé et en piteux état sur le bord de la route, sans éprouver de regrets (ou très peu). De ce fait, j’ai du mal à le voir comme un personnage sympathique, ni même comment Helen peut s’attacher à lui après ce qu’il a fait et ce qu’elle a enduré elle.

Le personnage d’Helen n’est pas en reste. Son côté pieux est, j’imagine, tout à fait dans l’esprit de l’époque, néanmoins son côté très dévot peu agacer. Une femme qui est présentée comme belle, intelligence, cultivée et faisant preuve de bon sens, tombe sous le charme d’un « mauvais garçon » mais est persuadée qu’elle peut le remettre dans le droit chemin. En somme, le conseil qui est donné aux autres n’est pas bon pour elle, persuadée qu’elle s’en sortira mieux.

Pour en revenir au roman sans sa globalité, il a quelque chose d’actuel. Outre le fait de parler des vices, comme celui des ravages de l’alcool et du jeu, il est aussi question des violences domestiques. S’il n’est jamais abordé la question du viol conjugal, ni de la violence physique, la maltraitance psychologique est bien présente au travers du personnage d’Arthur et plus largement de son groupe d’amis. La longue déchéance d’Arthur ainsi que la dégradation de son couple sont assez bien retranscrite. Il est aussi question de la femme et de son statut. On attend d’elles d’être des mères et des épouses, des maîtresses de maison, d’être obéissantes et soumises (c’est de que réclame certains hommes), tout en étant le garde fou de leurs maris. D’ailleurs un des personnages masculin, Ralph, ami d’Arthur, annonce vouloir une femme douce et docile et quand il en a une, il se plaint qu’elle soit douce et docile. Ben oui, c’est de sa faute à elle s’il continue ses excès, il arrêterait si elle lui disait de le faire de manière ferme mais comme elle attend et prie pour qu’il arrête de lui même, il continue. C’est bien connu, c’est le boulot des femmes de sauver les hommes et de les changer pour le meilleur. D’ailleurs, il faudra l’intervention d’Helen pour que Ralph se rende compte du mal qu’il fait à sa famille et qu’il décide d’arrêter. On peut trouver énervant que cela soit une personne extérieure au couple (et une femme) qui fasse remarquer le problème dont lui même à conscience. Tout comme l’on peut trouver énervant que quelqu’un qui sait qu’il a un soucis qui nuit à son entourage et à lui même ne fasse rien car on ne lui dit rien ou encore s’énerver d’un autre qui attend passivement que les choses changent un jour. Cela fait parti des critiques émises au sujet du roman, que la passivité des femmes entrainent leur oppression.

Un couple amoureux, avant le drame

Ceci dit l’œuvre possède pas mal de choses intéressantes à critiquer et débattre sur la position des femmes dans la société de l’époque ou la répartition des rôles. Anne Brontë l’aborde avec parfois des petites piques, voir carrément de front. Lorsque Gilbert arrive en retard chez lui pour l’heure du thé et que sa mère demande à sa sœur d’aller lui en refaire pour que celui-ci puisse tranquillement mettre les pieds sous la table, la jeune fille fait gentiment remarquer qu’il pourrait aller se le faire lui même.

Bref tout cela pour dire qu’il y a assez de matière dans ce roman pour en disserter largement. Toutefois, ce n’est pas le travail des sœurs Brontë le plus connu. Généralement, quand on évoque leur nom c’est Jane Eyre ou Hurlevent qui viennent en tête. Wildfell Hall ne glorifie ou ne rend en rien romantique l’alcool, le jeu ou la violence. On a même du Gaslightning avec Milicent l’amie d’Helen dont l’entourage lui assurent qu’elle a forcément dit oui à la demande en mariage de Hattersley alors qu’elle même se retrouve dans la plus grande confusion ne sachant plus si elle était d’accord.

La série

Si certaines œuvres anglaises ont droit à de multiples (voire régulières) adaptations, ce n’est pas le cas de celle-ci. Il y a quelques années, j’ai trouvé le DVD de l’adaptation de 1996 qui est à ce jour toujours la dernière en date. C’est une courte série en 3 épisodes diffusée sur la BBC, ayant eu droit à une sortie française chez Koba films il y a quelque temps. J’avais vu une première fois la série avant de lire le livre et le fait de l’avoir terminé m’a donné envie de me replonger dans un visionnage le temps d’une soirée.

La série a certes vieillie au niveau de l’image mais elle garde néanmoins des qualités que cela soit au niveau de l’ambiance, des décors, de la musique et du travail photographique. J’ai eu aussi beaucoup de plaisir à retrouver des acteurs que j’apprécie particulièrement comme Rupert Graves qui apporte beaucoup au personnage d’Arthur (parfois même du ridicule).

Après la lecture et mon visionnage, j’ai réalisé que la version TV, si elle suivait les grandes lignes de l’histoire, avait réalisé quelques coupures, sans doute dans un soucis de clarté et de lisibilité de l’intrigue. En effet, là où le roman revient plus largement sur les questions de violences domestiques avec le groupe d’amis d’Arthur et leurs mariages respectifs, la série fait le choix de ne se concentrer que sur celui Helen. De même, les épisodes ont tendances à se montrer beaucoup plus cru en ce qui concerne le sexe et la violence qui est ici plus physique. Il n’est jamais mentionné dans le livre qu’Arthur ai tenté d’avoir des rapports sexuels non consentis avec sa femme, ni qu’il ait tenté de l’étrangler, de la frapper ou de la plaquer contre un mur. Il est surtout violent psychologiquement. Il l’humilie, la rabaisse, l’ignore, monte leur fils contre elle. J’ajouterais que jamais Arthur (junior) ne se montre cruel avec les animaux. Il devient plutôt effronté, désobéissant et prend de mauvaises habitudes (comme celle de jurer).

Le roman étant divisé en trois parties, il serait aisé de croire que la série suite le même schéma et adapte chaque partie en un épisode. Toutefois, la série TV opère, comme évoqué plus haut, quelques changements. En raccourcissant les intrigues à l’essentiel, on se prive de leurs complexités et des différentes opinions et points de vues qui permettent soit de nuancer le propos, soit d’apporter un peu plus de consistance à l’ensemble. Résultat, beaucoup de personnage ne sont pas développés et c’est bien dommage.

Si la série a visuellement vieilli, elle garde tout de même une ambiance singulière avec ses tons bleutés et gris délavés. Le ciel est morne, les landes sont battues par le vent et la pluie. Une atmosphère assez sinistre s’installe, nous ne sommes pas dans de l’horreur mais j’imagine que cela rajoute un élément de mystère autour de la veuve de Wildfell Hall. Il y a un vrai travail de lumière et de photographie pour donner, notamment aux intérieurs, des allures de tableaux.

La musique n’est pas en reste et amène aussi ses propres effets, tout en renforçant le côté gothique, triste de la série, auquel s’ajoute une certaine mélancolie et dans d’autres un danger permanent qui rode. Il y a énormément de chœurs dans la musique. D’autres musiques restent plus « classiques » car on retrouve cette ambiance 19ème avec bals, séduction dans les règles de l’art et mariage. De ce fait, l’évolution musicale vers le doute, la mélancolie, la déchéance d’un mariage vers la haine et la violence apporte un changement de ton radical et insidieux.

Certains points diffèrent sur la fin. Le fils d’Helen ne se fait pas kidnapper, la forçant à revenir auprès de son mari, c’est elle qui décide d’y aller d’elle même. D’ailleurs son mari est vraiment mal en point et sa santé se détériore alors que la série laisse à penser qu’il va mieux puisqu’on le voit se balader. L’autre point est Gilbert rend visite à Helen et se pose comme rival amoureux, ce dont il n’est pas question dans le livre. Le quiproquo du mariage sur la fin est également différent. C’est Gilbert qui se trompe de mariage et réalise qu’Helen est libre, ici c’est Helen qui tombe sur le mauvais mariage et décide de rentrer chez elle, Gilbert doit alors aller s’expliquer.

Pour revenir sur la série de manière plus générale, je trouve que la première partie va trop vite. En effet, on a l’impression que tout se passe le temps d’une semaine ou deux. L’autre point négatif c’est le personnage d’Helen. On peut ne pas aimer son côté religieux et un peu trop stricte, passant son temps à sermonner les gens et expliquer les bonnes conduites à adopter. Toutefois avec Gilbert elle garde une certaine distance qu’on ne retrouve pas dans la série. Très rapidement, il y a comme un jeu de séduction entre eux, alors que c’est une relation qui se construit avec le temps. J’émets également quelques réserves sur le jeu de Tara Fitzgerald qui n’est pas très nuancé. Son Helen est sans arrêt en colère et agressive avec tous, ce qui rend le personnage antipathique alors que ce n’est pas le but (pas en totalité). De plus, je ne suis pas fan de la coiffure choisie qui n’est pas des plus flatteuse alors qu’Helen est décrite comme assez belle.

Helen est snobée par les gens du village parce qu’elle vit seule, n’est pas assez sociale, qu’elle travaille pour gagner sa vie (elle peint), qu’elle est trop protectrice avec son fils, qu’elle a des opinions qu’elle ose exprimer et surtout qu’il y a des rumeurs à son sujet. Quand bien même elles sont fausses, tout le monde y accorde du crédit.

Gilbert, quant à lui, est encore plus désagréable que dans le roman. L’intérêt de ce dernier, c’est qu’on avait son point de vue, surtout dans la première partie. Là c’est juste un jeune coq jaloux et prêt à en découdre.

Quant à Arthur, la série lui accorde plus de temps. Ainsi on voit comment il courtise Helen et on comprend ce qui lui a plu chez lui. De plus, la série ajoute toute une dimension sexuelle, sur les premières années de leur mariage non présente dans le roman. Si elle n’est pas indispensable à l’intrigue, elle permet de mieux appréhender un aspect de leur vie de couple qui ne se limite pas à une simple attraction intellectuelle mais est aussi physique. Cela permet également de cerner cette société victorienne très cloisonnée dans des règles de bienséance et qui se libère à travers l’alcool et le sexe. Rupert Graves joue donc à la fois un Arthur charmant et charmeur, fascinant et attirant. Ses vices et défauts sont apparents et pourtant on a envie de croire qu’il y a un bon fond là dessous. Ce n’est pas la première fois qu’il joue sur ce côté magnétique et animal, on pouvait également le retrouver dans Maurice. La série étoffe le personnage, lui apporte un peu plus de consistance même si cela se résume beaucoup plus à de la violence physique que psychologique. Toutefois, la bonne chose est ne pas avoir fait de rajout sur le personnage qui n’est en aucun cas excusé pour son comportement, on ne lui sort d’histoire tragique de derrière les fagots qui expliquerait comment il en est arrivé là. Néanmoins, je dirais que la série joue la carte de la facilité avec la violence physique, sans doute plus visuelle et impactante pour le spectateur, alors que celle du roman est psychologique et verbal en s’infiltrant doucement dans le couple.

Pour conclure, je dirais que The Tenant de Wildfell Hall n’est pas mon œuvre préférée que cela soit en roman ou en version TV. Néanmoins, c’est une œuvre littéraire qui reste intéressante et son adaptation, si elle comporte pas mal de défauts reste quand même un visionnage que je conseille (la série est assez courte).

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