Les cinémas sont fermés et le bol d’air que ceux-ci me procuraient me manque. Ma consommation de films a donc sacrément chuté. Mine de rien j’ai l’impression d’avoir moins de temps pour les loisirs alors que les ouvrages à lire, les jeux à faire et les films à voir s’empilent. Cependant, je trouve tout de même de quoi faire une petite place pour un film de temps en temps.
Les différents festivals se sont adaptés et sont passés en ligne. C’est là que j’ai vu passer le festival de Gerardmer en version dématérialisé. Ce n’est clairement pas mon type de films qu’il propose, toutefois dans le lot le dernier Ghibli était proposé : Aya et la sorcière. Il s’agit d’une autre adaptation par le studio d’une œuvre de Diana Wynne Jones mais clairement plus orientée vers les enfants. Bien que je n’ai pas lu l’œuvre d’origine, qui jusque là n’avait pas été traduite en français il me semble (erreur bientôt réparée), le film semble plutôt coller au matériau d’origine. Plus en tout cas que le château ambulant, qui bien que reprenant le même postulat que le livre, finissait pas partir dans une autre direction.
Revenons donc à Aya et la sorcière. Il faut croire que les sorcières ont le vent en poupe dernièrement puisque nous avions eu Mary et la fleur de la sorcière qui était également une adaptation littéraire. Concernant Aya ce n’est pas un film que j’attendais particulièrement et les premiers visuels ne m’inspiraient pas du tout. L’affiche avec le groupe de rock en arrière plan (qui n’a qu’un intérêt minime dans le film) ne laissait pas vraiment entrevoir ce que serait l’histoire et je ne voyais pas bien le rapport avec le monde de la magie… Non ce qui faisait surtout peur c’était la 3D. Je ne sais pas pourquoi mais les expressions faciales, surtout exagérées, des personnages Ghibli ne rendent pas bien en 3D. Cela accentue l’effet plastique/faux, voire bas de gamme, sinon très datée de cette 3D. De plus les mouvements semblaient rigides, les textures assez moches, j’en passe et des meilleurs. La bande annonce avait de quoi refroidir. Néanmoins quand l’occasion s’est présentée, j’ai tout de même décidé de laisser une chance au film.
Pour rappel : de quoi parle Aya et la sorcière ?
Le film débute sur une course poursuite entre une femme aux cheveux rouges à moto possédant des pouvoirs (une sorcière donc) et une voiture qui ne lui veut pas que du bien. Parvenant à échapper à ses poursuivants, la jeune femme dépose son bébé « Manigance » (Earwig en vo) devant la porte d’une orphelinat avec une cassette et un mot indiquant qu’elle viendra chercher sa fille une fois qu’elle aura battu les douze sorcières.
Les années passent et Aya compte rester pour toujours à l’orphelinat afin de continuer à mener tout le monde à la baguette. C’est sans compter sur le jour des adoptions où, sans préavis, Aya est choisie par Bella Yaga et Mandrake, respectivement une sorcière et un démon, pour venir chez eux afin de servir à Bella Yaga de petites mains (pour ne pas dire de bonne à tout faire et d’esclave). Aya ne se démonte pas car elle est bien décidé à devenir une sorcière sous la supervision de Bella Yaga.
Verdict ? Aya et la sorcière était-il un mauvais film ?
Oui…et non. Clairement ce n’est pas le meilleur du studio. Le film a des défauts mais je m’attendais vraiment à pire et finalement ça se laisse regarder. Ce que Aya et la sorcière me rappelle, ce sont ces films pour enfants vite regarder et vite oublier que l’on peut retrouver le soir sur des chaînes comme Gulli. Individuellement ce ne sont pas de mauvais films, ils sont pleins de bonnes intentions mais ne marquent en rien. Aya et la sorcière n’a pas de souffle épique, de morale ou de grandes choses à nous apprendre sur la vie, ce n’est pas un film qui vous touchera. Sans doute parce que le film n’a pas cette ambition et ne l’a sans doute jamais eu. Après tout il s’agit d’un téléfilm, cela se ressent et se voit dès le générique de début. Parce que soyons honnête, il ne se passe pas grand chose dans le film et quand enfin il y a une avancée, le film se clôture. Ce dernier n’est pas forcément lent (quoique) mais il est assez vide. Une fois que notre héroïne quitte son orphelinat, son seul univers restera les murs de sa nouvelle maison dont elle ne sort presque pas. Son univers et donc celui du spectateur se résume à la cuisine, la salle de bain, le laboratoire et sa chambre. Ce n’est pas un hui-clos mais j’ai eu comme un sentiment d’enfermement et de vide. Les pièces ne sont pas vraiment décorées, bien que cela puisse s’expliquer dans l’histoire. C’est d’autant plus dommage qu’habituellement les décors des films du studio regorge de détails. Ici le contraste est flagrant. Il est possible que cette impression de platitude et ce final un peu abrupte s’expliquent lorsque nous regardons l’œuvre d’origine. Earwig and the witch (de son titre original) est un livre pour enfants que l’autrice a écrit à la fin de sa vie juste avant de décéder. Il est donc possible que le côté « abrégé » de l’histoire soit dû au fait qu’elle savait qu’elle n’en avait plus pour longtemps, d’où une conclusion rapide. En tout les cas, le film suit d’assez prêt le livre à quelques éléments près.

Plusieurs choses resteront sans réponses ou simplement pas claires, un comble dans un univers aussi petit. Pourquoi la mère d’Aya quitte le groupe de musique ? Parce qu’elle était enceinte ? Qui est le père d’Aya ? Aux vues des flashbacks, nous serions tenté de penser qu’il s’agit de Mandrake mais rien ne le prouve. Pourquoi c’est trois là formait un groupe ? Est-ce que ça fait partie du « devoir » des sorcières ? Dans ce cas quel lien avec le monde de ma magie ?
Il est possible de penser que la mère d’Aya ait quitté le groupe car elle se savait enceinte (qu’est-ce que cela implique dans l’univers des sorcières ?). Il est aussi possible de penser que les autres membres ne savaient pas celle-ci enceinte (pour cette raison qu’ils ne savent pas qui est Aya ou ne cherche pas la fille de leur amie) dans ce cas pourquoi est-ce leur voiture que nous voyons dès l’ouverture en train de poursuivre la mère d’Aya ? Pourquoi ne l’ont-ils plus chassé par la suite ? Comment c’est trois là se sont connus, nous ne le saurons jamais. A la rigueur ce point là n’est pas très important.
La relation Bella Yaga/Mandrake est sans doute celle qui intrigue le plus. Au départ on dirait un simple couple souhaitant adopter un enfant (c’est dans doute la seule raison de la venue de Mandrake, avoir l’air d’être en couple). Lorsque l’on connait enfin leur véritable nature, j’ai été tenté de penser que Mandrake était sous contrat avec Bella Yaga mais il n’en est rien. Cette dernière le craint (ou craint ses colères) et Mandrake semble avoir de l’ascendant sur elle puisque quand il lui demande de faire quelque chose elle le fait, même si c’est avec réticence. On peut donc se demander ce qu’ils fichent ensemble sous le même toit puisque chacun fait sa vie de son côté. Bella Yaga prépare des potions, tandis que Mandrake tente de percer en tant qu’écrivain, tout en continuant de jouer de la musique. Le seul moment où ils se croisent ces deux-là (plus Aya), c’est pour manger. D’ailleurs étant donné que les petits démons de Mandrake lui apportent la nourriture qu’il veut comme il la veut, pourquoi demander à Aya de cuisiner (sachant que cela ne sera jamais comme il le souhaite) ? Bref, beaucoup de questions sans réponses. Cela à tendance à m’agacer car je cogite beaucoup durant les films. Une fâcheuse manie certes, surtout la sur analyse, mais c’est aussi un avantage professionnel.
La question du statut des sorcières dans cet univers peut aussi poser question. D’un côté on a l’impression que c’est un mythe, de l’autre les gens sont conscients qu’elles existent. Bella Yaga est sorcière et c’est son emploi principal. Elle répond à des commandes diverses de petits maléfices à coup de potions et de sort pour faire gagner des compétitions par exemple. Ce sont des gens « normaux » (non sorciers) qui les lui achètent. Sorcière c’est donc un commerce de proximité. Il suffit de téléphoner comme on téléphonerait pour se commander une pizza.

J’ai également un peu de mal avec le personnage principal. Non pas que Aya ne soit pas sympathique ou attachante mais j’avais du mal à la situer. De plus, c’est difficile de mettre le doigt sur ce qui me gêne. Elle n’est pas méchante. A la rigueur, si elle fait quelque chose de « mauvais » c’est plus en réaction à quelque chose. L’héroïne n’est pas non plus foncièrement gentille puisque ses actes de gentillesse sont souvent intéressés. « Si je suis gentille je pourrais plus facilement obtenir ce que je veux. » Elle est donc assez ambivalente, tout en étant têtue et maline. Ces derniers éléments sont des choses que l’ont retrouve souvent dans les œuvres avec des enfants pour des enfants. Ceux-ci même qui aiment parfois faire tourner en bourrique les adultes ou bien savoir contourner leur autorité. Je pense que ce qui m’embête vient de son statut d’esclave -littéralement-. Aya c’est l’enfant qu’on a adopté pour faire les tâches ingrates et trimer comme une bête de somme pour des clopinettes en restant enfermer entre 4 murs. Aya ne sort quasi jamais de chez elle. Elle ne se rebelle pas vraiment, essaie de profiter des avantages potentiels de son nouveau mode de vie. Certes elle ne se décourage pas mais sa situation n’évolue pas beaucoup et elle met du temps à la faire évoluer.
Aya est déjà une sorcière même si elle ne le sait pas. Cela vient sans doute expliquer son pouvoir de persuasion sur les gens. Son but c’est de mener tout le monde à la baguette, même ses ami.e.s. Ce qui fait que le personnage peut sembler manquer de sincérité.
Je finirais sur ce film avec son générique dynamique qui boost un peu le tout. Au final l’emballage comme le contenu n’était pas extraordinaire, toutefois, je n’ai pas eu l’impression d’avoir été déçu ou de m’être ennuyé. Juste que j’ai passé une soirée tranquille devant un petit film dont je me rappellerai pour son étrangeté, une sorte d’ovni, de test, de pas de côté du studio.
ps: je trouve qu’Aya a une meilleure tête les cheveu lâché.